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Au bout de ma phrase

Elle s'appelle Elise. Il s'appelle Grégoire. Quelque part entre eux, il y a moi. Ma plume qui déshabille. Crue et incisive. Comme un spot qui vous ébloui et qui met en lumière une vérité, et puis une autre...

-Elise-

-Elise-

J’ai faim. Enfin je n’ai pas vraiment faim mais je m’ennuie. Je m’assois sur une chaise, face à la rue pour regarder les passants. Mais je me lève aussitôt, je ne tiens pas en place. Je tourne en rond.

Je choisis de me faire un thé et attrape une tasse sur l’étagère de ma cuisine. J’ai les idées dans le vague et c’est finalement du vin que je verse dans ma tasse. C’est infect du vin dans une tasse mais j’ai la flemme de le vider dans l’évier. Je l’avale en faisant la grimace.

Il fait froid dans cet appartement. Je me réfugie dans mon canapé et me glisse sous un plaid. Il faut que je réfléchisse. Que je fasse le point sur ma nervosité, sur la frustration intense que je ressens en ce moment.

Je ne comprends pas pourquoi… Il faudrait que j’aborde ça avec mon beau psychiatre.

Il a beau être très agréable à regarder, il n’en reste que je m’ennuie désormais. Il est tellement prévisible. Je sais bien ce qu’il cherche à savoir de moi, mais je ne lui donne pas la réponse, j’ai envie de jouer un peu. Je ne pense pas qu’il met le doigt sur ce que j’aimerais qu’il découvre et pourtant je lui donne des indices gros comme une maison…

Il faudrait que je redynamise un peu nos échanges, que j’y ajoute un peu de piments…

Je me sens tellement insipide, incolore et inodore face à lui. Juste une pauvre fille larmoyante, racontant des évènements plus inintéressants les uns que les autres.

Et puis je ne pense pas que je lui plais. Il doit me trouver d’un banal. Je l’imagine davantage aux bras d’une brune, la quarantaine élégante, cultivée. Une vraie femme, pas une gamine comme moi.

Cette pensée me remplit de tristesse. Je n’ai plus très envie d’aller à ces séances.

Je me recroqueville dans mon fauteuil, les genoux repliés. J’ai une boule dans la gorge, je me sens seule.

Je ferme les yeux, imaginant des scénarios romantiques, tendres où un homme viendrait près de moi, pour me consoler, me prendre dans ses bras et juste s’allonger près de moi, un scénario improbable dans la mesure ou Grégoire ne prendrait pas la peine d’être tendre, ni de s’allonger.

Je repense à mon psy, à mon envie soudaine de lui confier mes pensées, et pourquoi pas l’émouvoir aussi. J’imagine maintenant que c’est lui qui me prend dans ses bras, je sentirais alors son parfum boisé et rassurant.

Quelque chose au fond de moi se prend à espérer que cela pourrait arriver. Et finalement tout mon Moi y croit et envisage de créer cette réalité. De toute façon me souffle mon esprit, si ça ne marche pas, on stoppe les séances.

Cette idée me ragaillardit et me motive à me préparer, me faire belle.

J’imagine les mots, l’attitude que je vais avoir. Je pense aux différentes alternatives possibles, à ma façon de réagir s’il reste de marbre. Je note mentalement les arguments que je pourrais employer pour le convaincre. Je prépare mon entrée en scène tout en soignant mon apparence.

Je choisis d’enfiler une robe et des bas avec porte-jarretelles. Mes cheveux sont rassemblés en un chignon faussement négligé et je ne porte qu’un rouge à lèvre rouge sang, contrastant avec la pâleur de ma peau.

Je ne mets pas de talons, ne voulant pas paraître trop séduisante, il ne faut pas que mes intentions soient flagrantes.

Je trépigne d’impatience, j’envisage même de boire quelques verres pour me donner du courage mais résiste car je ne veux pas perdre mes moyens.

Les aiguilles de ma montres finissent par afficher l’heure souhaitée et je suis proche de l’arrêt cardiaque tant je suis nerveuse.

Me voilà, enfin, assise dans ce fauteuil. J’ai 30 minutes.

J’entre dans le vif du sujet, mon sentiment de solitude, mon besoin de tendresse. Je lui parle de mon image, du peu d’estime que j’ai pour moi. Je cherche à lui faire dire que j’ai tort.

J’écrase une larme et je vois qu’il pourrait flancher alors je décide d’aller encore plus loin, en lui demandant de me prendre dans ses bras.

Je le vois mal à l’aise mais je sens déjà qu’il ne me refusera pas ma requête. Je suis debout, faussement naïve, alors il se lève à son tour et un peu maladroitement m’entoure de ses bras.

Je colle mon bassin contre le sien, me balance légèrement. Presqu’inconsciemment il passe sa main dans mes cheveux alors d’un seul geste je défais mon chignon et enfoui ma tête au creux de ses bras. Il sent tellement bon que je pourrai rester ainsi. Ma nervosité diminue au fur et à mesure que je l’entends dire, ou plutôt murmurer « mademoiselle Elise » dans une tentative désespérée de résister à ce contact. Il prend ma tête entre ses mains, me regarde dans les yeux et sans lui laisser le temps de quoi que ce soit je pose mes lèvres sur les siennes. Il ne bronche pas, se laisse faire un court instant et puis me rend mon baiser passionnément, répétant inlassablement que l’on ne devrait pas agir ainsi.

Je me sens heureuse, j’ai gagné, je lui plais finalement. Il me désire, je le sens, je le vois. Je suis pleinement satisfaite mais le jeu ne se termine pas.

Ses mains parcourent mon dos, ma nuque, caressent mes cheveux, les tirent légèrement. Il m’attire vers son fauteuil et m’incite à m’assoir à califourchon sur lui tout en continuant de m’embrasser.

Viens sur mes genoux ma fifille

J’ai une angoisse qui monte jusque dans ma gorge, cette position, cette phrase dans ma tête.

Je n’ai plus très envie de jouer mais pourtant ses doigts s’insinuent déjà sous ma robe, tirant sur l’élastique de ma culotte en dentelle. Ses doigts sont froids. Comme Lui

Je gémis, je respecte la partition.

Mais je ne suis plus là. J’ai coupé le contact entre ma raison et mon corps. Je regarde la scène de plus haut, mon cerveau œuvre comme un chef d’orchestre avec mon corps mais je ne sens plus rien.

Ma montre s’est arrêtée et je ne sais pas combien de temps aura duré ma séance, je suppose qu’il aura la décence de ne pas me faire payer.

Il est temps de rabaisser ma robe, prendre mon sac et m’en aller. Effectivement il ne me réclame pas d’argent, il me regarde à peine.

Il lève tout de même la tête, ouvrant la bouche pour dire quelque chose, mais je ne lui en laisse pas le temps.

Je parle avant lui et le gratifie d’un : « Merci, Docteur ».

Et puis je claque la porte.

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